Première diffusion le 6 avril 2023
Dans notre époque où l’antiracisme a une place de premier choix, il est logique que la presse soit le reflet de ces névroses raciales. C’est donc sans grande surprise que nous avons appris, le 21 mars 2023, la création de l’AJAR, l’association des journalistes antiracistes et racisés.
C’est dans une tribune publiée dans Libération que 170 personnalités dénoncent l’homogénéité des rédactions, composées en grande partie de blancs, ainsi que le manque de représentativité qui en découle. Des exemples viennent appuyer le propos, comme celui de cet étudiant algérien qui a vu un de ses enseignants imiter Jean-Marie Le Pen devant lui, ou encore le cas d’Omar Sy qui, à l’occasion de la sortie du film Tirailleurs, où il tient l’un des premiers rôles, avait brocardé le racisme de la France.
“Journalistes, nous sommes, par nos histoires, nos origines ethniques, nos couleurs de peau, nos religions, concerné·e·s par le racisme dans la société française. Nous avons décidé de créer l’@AJARacisees pour s’attaquer au racisme dans le journalisme.“https://t.co/5px3jLeQSs
— Edwy Plenel (@edwyplenel) March 22, 2023
Parmi les références citées dans le papier, nous trouvons l’association des journalistes LGBTI, Prenons la une, un collectif créé par des femmes journalistes, ou encore la DILCRAH. Afin de lutter contre ces discriminations et de permettre une plus grande inclusivité des rédactions, la tribune conclut : « Cela passe aussi par le recrutement de personnes racisées et pas uniquement celles issues des milieux favorisés ». Dans les signataires, au nombre de 160, nous trouvons Rokhaya Diallo ou Sébastien Folin. Plus en détail, nous voyons pas mal de structures, comme le service public, mais aussi des syndicats, notamment SNJ-CGT.
Outre l’aspect redondant de cette tribune, car il n’y a aucune originalité à évoquer un racisme systémique des rédactions et des écoles à notre époque, nous pouvons suggérer qu’elle confond une question sociale pour la transformer en question raciale. En effet, certains porte-paroles de l’association, comme Iris Ouédraogo, expliquent qu’il y a peu de noirs au sein des écoles. Mais combien de gens issus de milieux modestes ? Le journalisme est un entre-soi, ce n’est pas neuf. D’ailleurs, évoquons les profils de certains porte-paroles. Nous parlions d’Iris Ouédraogo ; celle-ci est issue de l’école supérieure de journalisme de Lille, fait ses débuts au Journal du Dimanche en 2018, y reste jusqu’en 2020 avant d’aller à Libération. Un autre porte-parole vient de l’ESJ : Khedidja Zerouali, qui travaille chez Mediapart. Parlons enfin d’Arno Perdram, diplômé de la City University of New York, qui travaille pour des médias étrangers tels que Associated Press ou ABC. Notons aussi un passage chez France 24. Dans les trois cas, nous avons trois personnes qui viennent du sérail journalistique. Elles ont fait l’une des plus grandes écoles, l’une d’entre elles a même pu aller à l’étranger, et travaille pour de grandes rédactions. Cela laisse apercevoir soit un capital économique, soit un réseau permettant l’insertion. Avec cette homogénéité des profils, le projet de cette association ne serait-il pas de remplacer un entre-soi par un autre ?
En mai 2022, nous avions assisté à la conférence nationale sur les métiers du journalisme. Nous avions pu entendre le sociologue Jean-Marie Charon intervenir sur les programmes de diversité, en expliquant que ceux-ci étaient un gâchis social qui mettait des jeunes dans un milieu dont ils n’avaient pas les codes et, in fine, les dégoutait du métier. Encore une fois, nous pouvons nous demander si la question de l’entre-soi soulevée par la tribune n’est pas plutôt sociale que raciale.
Concluons en posant cette question : à quand l’association des journalistes prolétaires ?